Sous les traits de Paule Gecils

21 juin 2016 15 h 40 min

On a rencontré Paule au beau milieu de ses dessins aux traits aiguisés et aux couleurs vives. C’était le 10 mai, jour du vernissage de son exposition « Parcours ».

En ce début de soirée, la chaleur du lieu contraste avec la pluie qui n’en fini plus de tomber dehors. Ils sont plutôt nombreux à s’être donnés rendez-vous au 5 rue Maurice Bouchor. Et la petite galerie gérée par Paris Habitat (organisme HLM) est bien remplie. Entre petits fours et vin blanc, les visiteurs ont trouvé un refuge bien propice à ce morose mois de mai.

Des mots pour les rendre encore plus ridicules

Paule n’est pas une simple artiste, et les petites phrases qu’elle distille avec malice dans ses dessins sont autant d’indices qui nous permettent d’en apprendre un peu plus sur ses batailles. Comme cette scène pleine d’humour où deux élus discutent, l’un est un homme et l’autre… une femme ! Dans les bulles on peut lire : « On t’a présentée parce que tu es une femme ?« , et elle de rétorquer « Oui« . Des mots simples et directs, parce que pour Paule, le défi c’est de « dire beaucoup de choses avec un minimum de traits et de mots« .

Carine Petit, la maire du XIVème arrondissement est également présente au vernissage, et discute militantisme et féminisme avec l’auteure des oeuvres exposées. « Le travail de Paule, il est très beau et il est militant. Il est plein de sens (…) pour une cause qu’on croit trop souvent acquise, pour nous les femmes, sur l’aspect de l’égalité femmes-hommes, de la mixité, de la parité et de la place des femmes dans la ville, dans la cité, dans la citoyenneté et dans la vie politique« , confie-t-elle.

Ces phrases, l’artiste ne les a pas inventé. Cette ancienne élue PCF et maire-adjointe de Moselle a été confronté à ces situations ubuesques où les hommes la considéraient bien moins efficace qu’eux, pour la simple et bonne raison qu’elle était une femme. Des anecdotes en or, qu’elle couche sur papier Canson et qu’elle illustre avec des dessins aux couleurs pastel.

Sentir l’odeur de l’essence térébenthine

S’exprimer à travers des pinceaux et des crayons est une histoire de famille chez les Gecils. Rachmiel Gecil, le père de Paule était peintre en lettres. Un métier qui n’existe plus et qui consistait à réaliser des pancartes et des calicots. Ce qu’aimait Paule par dessus tout, c’était le retrouver dans son atelier après l’école, enfiler une blouse, s’asseoir sur les tabourets et sentir les odeurs qui s’échappaient dans l’air. « Je voulais faire comme mon père dont j’admirais le travail. Je savais qu’un jour j’aurais un pinceau dans les mains et que je ferais comme lui. »

Une histoire de famille qui rejoint la grande Histoire

Faire comme son père c’était aussi résister. Les parents de Paule étaient juifs, sa mère a grandi en Pologne et son père en Lithuanie. Rachmiel et Laja ont fui l’antisémitisme dans les années 1930, et ont choisi la France, « pays des droits de l’homme ». Le couple engagé participe au Front populaire de 1936 aux côtés des ouvriers français.

Et puis, arrive 1942… La famille échappe in extremis à la rafle du Vel d’Hiv, grâce à une policière résistante, qui les a averti. Avec l’aide du patron de Rachmiel, les Gecils trouvent refuge alors qu’ils sont à la rue depuis que leur appartement est mis sous scellé.

Et pendant la guerre, Paule et son grand frère sont hébergés en Seine Maritime par une famille qui a reçu le titre honorifique de Justes parmi les Nations, en 2008.

« C’est une histoire familiale qui est liée à la grande histoire et qui a, quand même, une ligne directrice : c’est la Résistance aux inégalités, à la barbarie, au racisme. Et c’est vrai que j’ai grandi, et organisé ma vie avec ces valeurs là, que j’espère on retrouve dans mes dessins. »

Marie-Amélie Marchal

Category: Reportage